ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Ennio Floris
Les récits de la naissance de Jésus
Conclusion
Sommaire
GENÈSE
ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS
LECTURE DU RÉCIT DE
MATTHIEU
LECTURE DU RÉCIT DE
LUC
CONCLUSION
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o - . . . . . . . .
J’ai entrepris cette lecture des récits de la naissance dans le but d’en découvrir le référent. Ma recherche a été facilitée, dans la mesure où un schéma fondamental est apparu qui, tout en liant les énoncés des récits aux modèles de la littérature épique, les rapportait aussi à un contexte pré-littéraire où se retrouvent les motivations de l’écrit. J’ai donc pensé qu’en raison de ce schéma les structures épiques n’avaient d’autre rôle que d’interpréter des données référentielles dans le cadre d’un genre littéraire.
Mais lorsque j’ai regardé de plus près le tissu de l’écriture, des fêlures et des éclatements sont apparus, qui ont laissé entrevoir, au niveau des silences du texte, que ce schéma prenait la forme d’une silhouette qui s’opposait à l’image de
Marie telle qu’elle apparaissait au niveau de son énoncé : loin de coller à la silhouette, cette image s’en détachait, au point de la lâcher jusqu’à n’adhérer qu’à elle-même. Il y avait donc une rupture entre le niveau de la signification et celui de la référence, la
Marie de la vision de
l’écrivain, hanté par l’attrait du mythe, avait pris son envol, abandonnant la
Marie originelle qui s’était fait connaître par l’information.
Cependant, quoique
la seconde Marie ait rempli tout l’espace du dire,
elle n’a pas réussi à chasser du texte
la Marie originelle qui
lui a résisté, demeurant au-dessous
d’elle dans la dimension du silence du texte. Le mérite de ma lecture a été de parvenir à séparer les deux images qui s’offrent, l’une à la façon d’un croquis, l’autre d’une peinture élaborée.
En parvenant à séparer les deux couches du texte, ma méthode se rapproche des résultats de la technique de dépose des fresques. On s’était aperçu depuis longtemps que, dans l’élaboration de la fresque, le peintre commençait par un croquis – la sinopie – qui lui servait de charpente dans le travail pictural. Ainsi avait-on pu apercevoir quelques traits de la sinopie lors de la détérioration de la peinture, mais elle se perdait avec la peinture elle-même à cause de la détérioration de l’enduit.
Tout récemment, la technique de restauration des fresques est parvenue à un tel niveau qu’elle peut non seulement séparer la peinture de l’enduit, mais séparer la couche picturale de la sinopie. On est arrivé ainsi à voir deux tableaux, qui ont bouleversé la critique d’art, dans la mesure ils ne se correspondent pas toujours, car souvent la peinture déborde le tracé de la sinopie et se détache de son image, comme si le peintre se trouvait pris par une autre vision : l’image finale refuse de s’incarner dans la structure que l’artiste lui avait offerte.
Dans leurs récits,
Matthieu
et
Luc
ont cherché à décrire
Marie à la façon d’une fresque.
Ils ont commencé, eux aussi, par une sinopie qui est le croquis de
Marie qu’ils ont fait en s’appuyant sur les informations, sur le ouï-dire, ou en interrogeant le silence de la tradition. Mais
lorsqu’ils ont voulu revêtir ce croquis de chair, une autre image a surgi de leur imagination, qui a pris le dessus sur l’esquisse originelle.
Liberté du poète face au souci de fidélité d’un écrivain informateur ? Mais alors, pourquoi commencer en informateur pour n’être que poète ? Et surtout, pourquoi garder une référence dont la poésie
les avait délivrés ? Quelle est la fonction de la sinopie de
Marie et comment demeure-t-elle liée à
l’autre Marie dans une unité de récit ? Quelles sont les questions
qu’elle pose par son apparition dans une culture qui, dominée par
l’image picturale de Marie, éclate dans ces significations ?
La sinopie de
Marie aura peut-être quelque intérêt pour nous.
1982
tj30000 : 12/12/2018